Laurence Rossignol : opinion profonde ou maladresse témoignant d’une émergence de l’image subliminale du racisme ?
De très nombreux Françaises et Français, adhérents ou non au CIFORDOM nous ont interpellé à la suite des propos tenus le 30 mars 2016 sur la radio RMC, par Laurence Rossignol, ministre des droits des femmes. En évoquant le cas des femmes musulmanes qui revendiquent le droit de porter le voile, elle a déclaré y voir une similitude avec celui des nègres afro…américains qui seraient, selon elle, pour l’esclavage. Outre son absurdité, à la limite de l’injure, ce rapprochement témoigne d’une méconnaissance grossière de l’histoire et du syndrome post traumatique dont sont souvent victimes les descendants d’esclaves, celui-là même dont Franz Fanon a fait le diagnostic dans son incontournable « Peau noire, masques blancs », ouvrage que nous ne saurions trop recommander de lire à notre distinguée ministre.
Faire l’amalgame entre les femmes arabes qui choisissent de porter librement et par conviction le foulard islamique et celles qui, par peur, sous la contrainte de parents ou de conjoints, portent le voile intégral, est une insulte faites aux femmes musulmanes, mais aussi, au delà, à toutes les femmes qui sont encore de nos jours, en France, victimes de propos sexistes et discriminatoires. Utiliser dans ce contexte le terme de Nègre, sans en connaître le sens tel qu’il a si bien été défini par Léon Gontran-Damas et par Aimé Césaire, pour caractériser ceux qui ont été transportés vers les Amériques, est une insulte aux descendants d’esclaves qui ont choisi de dépasser ce que le pouvoir colonial et les négriers ont fait d’eux, afin de surmonter le misérabilisme que l’on prétend encore leur imposer
La France devrait le savoir, Laurence Rossignol aussi : les Nègres des anciennes colonies d’Amérique se sont battus pour leur liberté et l’ont gagnée. Peut-on laisser dire sur une radio à forte audience, sans que le journaliste faisant face à Madame le ministre ne dise mot, que certains Nègres auraient été favorables à leur propre déshumanisation, en se sentant à l’aise dans l’état de biens meubles tels que le définit l’article 44 du Code Noir ! Non Madame le ministre, Delgrès, Toussaint Louverture, la Mulâtresse Solitude, Frederick Douglass, le nègre Abraham, Thomas Clarkson et les milliers de combattants inconnus vous démentent ! On ne peut ignorer et surtout pas vous, que le décret d’abolition du 27 avril de Victor Schœlcher n’a pas été octroyé, mais qu’il a été le résultat des luttes et des sacrifices de celles et de ceux qui refusaient de continuer à subir un sort inhumain. Notre pays est gangrené par un insupportable ostracisme, encouragé par des discours comme ceux de Dakar et de Latran prononcés par Nicolas Sarkozy en 2007, les faux débats lancés sur l’identité nationale, les dérapages verbaux, la violence, et ce qu’il est convenu d’appeler le délit de faciès. Au moment où le gouvernement de la France vient d’engager une campagne invitant les français à s’unir contre le racisme, au moment où un jeune lycéen noir a été violemment pris à partie et frappé par un policier, au cours d’une manifestation, le CIFORDOM attend une ferme réaction du gouvernement et que ce dernier prenne des mesures appropriées pour renforcer encore la lutte contre ce fléau. La France est le pays d’une mixité résultant de plus de mille ans d’histoire. Il faut le dire haut et fort, l’éducation doit prendre en compte, plus que jamais, cette donnée, afin d’éradiquer de notre pays la sottise et l’ignorance et de favoriser la tolérance et le bien vivre ensemble.