« Tony, la vertu de tes mots à instruire la clarté, t’honore du plus vaste au plus simple, et te dégage, sans limite connue, la trace qui va, qui reste malgré tout, inaltérable. » Patrick
CHAMOISEAU. » 17 07 24.

Tony Delsham occupe une place à part dans le cœur des Antillo-Guyanais d’ici et de là-bas et dans la littérature.

Le Martiniquais, de son vrai nom, André Pétricien, auteur de près de trente ouvrages, s’est éteint hier (mardi 16 juillet) à l’âge de 78 ans. Né à Fort-de-France mais issu d’une famille originaire de Grand-Rivière, Tony Delsham a marqué la littérature dans les champs du roman et du théâtre. Des romans qui ont fait de lui l’un des écrivains très appréciés.

Son premier livre « Le Salopard », est sorti en 1971. Vinrent ensuite « Lapo Farine » (1984), « Xavier, le drame d’un émigré antillais », « Panique aux Antilles » en 1985 « L’Impuissant » (1986), « L’Ababa » (1987) ou encore « Filiation ». De nombreux autres ont suivi jusque dans les années 2000 avec notamment « Tribunal femmes bafouées » en 2001 ou encore la réédition de son roman le plus connu « Lapo farine » en 2002. Ces deux derniers livres publiés datent de la fin des années 2000.

Comme Tony Delsham le disait lui-même, il avait « capté » des discours, des poses, des comportements durant toute sa vie puis ceux-ci revenaient dès qu’il décidait d’écrire. Il avait choisi de comprendre et d’expliquer la complexité de la société antillaise, ses mœurs, ses traditions, ses travers. Dans des romans très difficiles, d’une plume acide, il décrit les remous sociaux, économiques et politiques du monde Antilles-Guyane.

Tony Delsham a d’abord été un journaliste, un « localier » en Métropole.

Au moment où la Radio et la Télévision d’État amorcent une ouverture sur le traitement de l’information locale accompagnée d’une politique d’embauche de Martiniquais, il décide de créer en Martinique ses propres journaux avec comme objectif affirmé celui de parler au plus grand nombre.

Il crée les éditions « MGG » pour Martinique, Guadeloupe, Guyane. Il devient rédacteur en chef du magazine « Le Naïf » jusqu’en 1982. Il collabore ensuite durant de nombreuses années avec l’hebdomadaire Antilla dont il fut durant un temps rédacteur en chef. En 1999, les éditions « MGG » se transforment en « Martinique édition » et continue à publier les nombreux romans de Tony Delsham.

Il a contribué à la création de la revue de bande dessinée « Fouyaya » et a également longtemps participé à l’émission « Dialogue avec la Presse » sur KMT, télévision privée de Martinique.

Auteur de plusieurs best-sellers, il occupait une place pour le moins singulière au sein de la littérature martiniquaise.

« Delsham a été un précurseur de la postmodernité littéraire martiniquaise », écrivait-on dans un article lui étant consacré en juillet 2019, intitulé « Tony Delsham, l’indigène qui gênait… » France-Antilles, vendredi 19 juillet 2019.

« Rompre avec le tropisme parisien de l’intelligentsia martiniquaise était assurément un défi. Défi que releva avec conviction Tony Delsham, en éditant localement ses romans, puis en lançant le mensuel MGG, toute première start-up de presse martiniquaise dans les années 1970. S’ensuivit Le Naïf puis Antilla. Ainsi, la marque de Delsham est-elle celle d’un indigène revendiqué, celle d’une pensée autochtone fière de son enracinement et qui nargue l’élite des lettres negro-créoles, en vérité orpheline du Tout-peuple… »

Ses écrits sont nombreux :

Xavier : Le drame d’un émigré antillais, Fort-de-France, Éditions M.G.G., 1981.
Ma Justice, Fort-de-France, Éditions M.G.G., 1982.
Les Larmes des autres, roman antillais, Fort-de-France, Éditions M.G.G., 1983.
Lapo Farine, roman antillais, Fort-de-France, Editions M.G.G., 1984.
Panique aux Antilles, Fort-de-France, Editions M.G.G., 1985.
Tracée sans horizon, Fort-de-France, Éditions M.G.G., 1985.
L’Impuissant, Fort-de-France, Editions M.G.G., 1986.
L’Ababa, Fort-de-France, Éditions M.G.G., 1987.
Le Siècle :
Tome 1 : Fanm Dèwó, roman antillais, Schœlcher, MGG, 1993.
Tome 2 : Antan Robe, roman antillais, Schœlcher, MGG, 1994.
Tome 3 : Lycée Schœlcher, Schœlcher, MGG, 1995.
Tome : Choies, horich antifais, SChreicher, MGC, 1999.
Kout fe, Schœlcher, MGG, 1994.
Papa, est-ce que je peux venir mourir à la maison ?, Schœlcher, MGG, 1997.
Gwo Pwel, vies coupées, Schœlcher, MGG, 1998.
Gueule de journaliste, Schœlcher, MGG, 1999.
Négropolitains et euro-blacks, Schœlcher, MGG, 2000.
Tribunal femmes bafouées, Schœlcher, Martinique Éditions, 2001.
Chauve qui peut à Schœlcher (comédie policière), Schœlcher, Martinique Éditions, 2003.
Filiation :
Tome 1 : M’man Lèlène, Schœlcher, Martinique Éditions, 2004.
Tome 2 : Une Petite Main, chargez !, Schœlcher, Martinique Éditions, 2004.

Selon Raphaël Confiant : « C’est cette attention au réel qui a forgé son écriture romanesque et fait de ses livres un témoignage inestimable de la sensibilité antillaise et guyanaise de cette époque. D’aucuns, parmi les grankrek et autres auteurs édités à Paris troussaient le nez sur des romans comme Lapo Farine que le grand public s’arrachait alors que Delsham était le maître de la littérature populaire de nos pays. Il permit à des générations peu au fait de la lecture de se plonger dans celle-ci bien qu’il ne s’adonnât guère aux séances de signature en librairie. Il n’en avait tout simplement pas besoin. Chacun de ses livres faisait mouche !

Paradoxalement, ce fut l’avènement (inattendu !) du mouvement de la Créolité dans la dernière décennie du 20è siècle qui freina quelque peu son succès alors même que nous étions tous amis et écrivions dans le même journal chaque semaine. [[(Mais freiner ne signifie pas arrêter et Delsham continua à publier avec détermination jusqu’à ce qu’hélas, la maladie le rattrape. Aujourd’hui se pose un problème : ses livres sont quasiment introuvables faute d’avoir été réédités. » […].

« Tony Delsham fut un nationaliste au sens non borné, non dogmatique du terme, quelqu’un qui tout en fréquentant, pour son travail de journaliste, la Békaille, la Mulâtraille, le Peuple et les Métros, ne développait aucun ostracisme de classe ou de race. Il savait où se trouvait l’intérêt supérieur de la Martinique, notion oubliée ou inconnue de nos jours, et savait donner aux uns et aux autres les coups de griffe qu’ils méritaient. » ajoute Raphaël Confiant.

Nous connaissions l’homme, nous nous retrouvions au Salon du livre de la Porte de Versailles, sur le Stand du CIFORDOM pour faire la promotion de nos auteurs.

Le CIFORDOM et le Prix Littéraire FETKANN ! Maryse Condé rendent hommage à Tony Delsham, ce « Zizitata », et présentent leurs sincères condoléances à sa famille et à ses amis.

 

Relisons sa saga familiale « Filiation », Prix FETKANN de la Mémoire 2005.