DISCOURS, MASSY VILLE DE MEMOIRES
Place Victor Schœlcher à Massy, le 29 Mai 2021
Monsieur le Maire,
Excellence, Monsieur l’Ambassadeur d’Haïti
Madame Sophie Elizéon, Déléguée Interministérielle, à la lutte contre le racisme, la xénophobie et la lutte anti-LGBT
Monsieur le Sous-Préfet de l’Essonne,
Madame Dominique Taffin, Directrice de la Fondation pour la Mémoire de l’esclavage, représentant Mr Jean-Marc Ayrault, ancien premier Ministre, Président de la Fondation pour la Mémoire de l’esclavage
Monsieur Jacques Martial, Ancien Président du Mémorial Act de Guadeloupe, Adjoint au Maire de Paris
Madame la députée, Madame la Conseillère Régionale
Madame Rafika Rezgui, Conseillère départementale et Maire de Chilly-Mazarin
Mesdames, Messieurs les élus
Monsieur Lorfils REJOUIS, Président de l’Association ARCHE
Mesdames, Messieurs les Présidents d’Associations
Chers Amis
Citoyennes, Citoyens, mes chers enfants,
Je suis particulièrement heureux d’être cette année, sur cette place Victor Schœlcher pour rendre un hommage aux combattants de la liberté.
Oui, hommage à Toussaint Louverture, le père de l’indépendance d’Haïti, vainqueur des troupes napoléoniennes, emprisonné au Fort de Joux et mort le 7 avril 1803.
Toussaint Louverture dont le génie fît qu’il anticipa la déclaration des droits de l’homme en déclarant qu’il n’y avait pas de races paria, pas de pays marginal, pas de peuples d’exception.
Mais hommage aussi à Victor Schœlcher, le père du décret d’abolition de l’esclavage du 27 avril 1848. C’est lui qui, au plus fort de la lutte contre l’esclavage à la fin de 1842, écrivit l’un des textes clés du mouvement abolitionniste français. Il marque de façon irréversible l’abandon des projets d’abolition progressive de l’esclavage en réclamant une abolition immédiate.
Deux combattants de la liberté rassemblés sur une même place, c’est ce qu’a voulu faire la municipalité de l’époque à laquelle j’appartenais, dirigée par Claude Germon, pour marquer l’importance que nous donnions à l’Histoire, à la Mémoire, à la Liberté et à l’universalisme.
L’importance de ce geste politique historique en 1989, devrait être évidente pour nous tous aujourd’hui, car il nous permet de nous rassembler, là, aujourd’hui, nous femmes et hommes de progrès, pour rappeler l’importance du « souvenir » dans l’unité de la nation.
« Le souvenir n’est pas seulement un pieux hommage rendu aux morts, mais un ferment toujours à l’œuvre dans les actions des vivants » disait le Général de Gaulle et « un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir » écrivait Aimé Césaire » dont un square porte le nom, à deux pas d’ici.
Je suis heureux d’être-là aujourd’hui, parce que la municipalité de Massy a décidé de s’inscrire dans le remarquable effort accompli par la Fondation pour la Mémoire de l’esclavage en instituant le mois de mai « Mois des Mémoires », ce qui permettra de se pencher plus longtemps, tous les ans sur l’histoire de l’esclavage qui est tout simplement l’histoire de France, de débattre, et d’ouvrir le dialogue en milieu scolaire, à travers des projets éducatifs et de solliciter les municipalités pour qu’elles soient acteurs des hommages rendus aux victimes de l’esclavage et aux abolitionnistes.
MASSY VILLE DE MEMOIRES, c’est l’unité de Massy, c’est porter intérêt à toutes les identités culturelles qui composent la Ville, c’est le refus de la concurrence des Mémoires, c’est l’espoir d’un bel avenir ensemble.
Nous nous retrouverons tous les derniers samedis du mois de Mai, pour rappeler les dates du 10 mai et du 23 mai, les deux dates officielles, dont le pays s’est doté en votant la loi du 30 juin 1983, modifiée par la loi du 28 février 2017 relative à la commémoration de l’abolition de l’esclavage et en hommage aux victimes de l’esclavage. Deux dates pour ne pas oublier, deux dates pour se souvenir, rappeler les souffrances des esclaves, rappeler qu’ils se sont battus pour leur liberté, rappeler que beaucoup de femmes et d’hommes inconnus se sont élevés contre l’oppression de l’homme par l’homme, contre l’ignominie et ont crié halte à l’injustice. C’est le message des habitants de Champagney contenu dans cet article 29 de leur cahier de doléances au Roi qui vous a été lu à l’instant par les élèves du collège Blaise Pascal. « Les habitants et communauté de Champagney ne peuvent penser aux maux que souffrent les nègres dans les colonies sans avoir le cœur pénétré de la plus vive douleur »
C’était des mots « M O T S, » pour rappeler les maux « M A U X » imposés à ces êtres humains.
Mesdames, et Messieurs, plus de 13 millions d’Africains ont été mis en esclavage et déportés pour travailler dans des plantations au profit des colons et armateurs occidentaux ; ils étaient considérés comme des biens meubles et ces esclavagistes se sont enrichis du sang de ces esclaves.
Mesdames et Messieurs, monsieur le Maire, en cette année de commémoration du bicentenaire de la mort de Napoléon, comment ne pas, au risque d’offusquer certains, dire que la convention avait aboli l’esclavage en 1794 mais qu’il fut rétabli par Napoléon en 1802. Et l’histoire nous dit que Louis Delgrès préféra se faire sauter avec ses 300 hommes au Matouba en Guadeloupe plutôt que de redevenir esclaves en lançant le fameux cri du désespoir « Vivre Libre ou Mourir » que vous venez d’entendre.
Mesdames et Messieurs, Nous devons dire l’Histoire, dire l’histoire dans sa globalité, enseigner l’histoire, ne rien occulter. Et nous croyons que l’école et les médias ont un rôle primordial à jouer, comme le monde politique.
Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs, notre présence ici est un cri en faveur de « l’Humain », ici à Massy, ici en Essonne, ici en France, et partout dans le monde, car si l’esclavage et la traite qui furent les premiers crimes contre l’humanité ont disparus, nous voyons le mal fait par la haine de l’autre, le rejet de l’étranger, le racisme et la xénophobie. N’est-ce pas opportun d’avoir une pensée pour Samuel Paty, victime de l’intolérance.
MASSY VILLE DE MEMOIRE à vocation à mettre l’homme au centre des préoccupations et à reconnaître égales toutes les identités culturelles qui vivent ici à Massy.
J’aime Massy parce qu’elle s’est engagée dans cette voie dès 1989 en inaugurant avec le CIFORDOM, en présence de Gaston Monnerville, ancien Président du Sénat, cette place Victor Schoelcher et la statue de Toussaint Louverture. Un grand merci à Claude Germon le Maire de l’époque d’avoir eu ce geste courageux et historique. Son successeur Vincent Delahaye, aujourd’hui Sénateur de l’Essonne, a poursuivi ce que j’appelle une grande œuvre en organisant chaque année avec le CIFORDOM et l’Association ARCHE, que je remercie, une cérémonie du « Souvenir » en hommage aux combattant de la liberté.
Monsieur le Maire, en vous proposant de faire de Massy une ville de Mémoires- avec un S -, et cela ne vous avait pas échappé ; nous voulons rassembler les Mémoires, il ne doit pas y avoir de concurrence des Mémoires, il n’y a pas de degré dans la souffrance, un homme est un homme.
Nous ne sommes ni dans les couleurs, ni dans les races, mais dans l’égalité des identités multiples qui composent notre pays.
C’est pourquoi, nous le disons ici, il n’est pas nécessaire d’être Noir pour s’offusquer des propos racistes parfois véhiculés par certains compatriotes et certains médias et d’être juifs pour condamner les propos d’un Jean-Marie LEPEN ou du Rassemblement National au sujet de la Shoah.
Oui, l’Humain, l’humain d’abord.
Beaucoup d’hommes différents et de couleurs différentes ont fait la France, faisons-les connaître sans sectarisme, le Pays France leur doit reconnaissance ; je parle de ceux qui viennent de l’Empire français, mais pas seulement, et ont rejoint le Général de GAULLE au triste moment de notre histoire, par exemple le Gouverneur Félix EBOUE, Guyanais, petit-fils d’esclaves Gouverneur au Tchad, qui donna sa légitimité au Général, le Général DUMAS, Haïtien, qui assura la défense de Paris ; Le Bachaga BOUALAM, un chef harki au service des trois couleurs ; Missak MANOUCHIAN, un Arménien, le symbole des résistants étrangers, héros national, fusillé par les Allemands le 21 février 1944, Romain GARY, né en Lituanie, deux fois lauréat du Prix Goncourt, compagnon de la libération, engagé dans les troupes de la France libre du Général de Gaulle en 1940, qui avait coutume de confier aux journalistes : « Je n’ai pas une goutte de sang français mais la France coule dans mes veines » Et aussi, Joséphine BAKER, une étoile américaine au service de la France libre ; Marc CHAGALL, le plus français des peintre Russes ; Marie CURIE, l’ardeur Slave au service de la recherche française.
Et que je nomme un nom plus connu de tous : Charles AZNAVOUR !
C’est ce qu’a fait Vincent DELAHAYE, et en donnant le nom d’Aimé CESAIRE au jardin d’à côté, le nom de Nelson MANDELA à une place dans le quartier Atlantis et le nom de Lounes MATOUB à un rond-point à Vilaine.
C’est cela respecter toutes les identités qui font la ville, c’est cela l’égalité Républicaine !
Monsieur le Maire, Antoine de SAINT-EXUPERY, le père du petit Prince, celui qui écrivait : « Si tu es différend de moi, loin de me léser, tu m’enrichis », et Edouard GLISSANT, le père du Tout Monde, qui pose la question : « Comment s’ouvrir à l’autre sans se fermer à soi-même » nous montrent le bon chemin.
La France est riche de sa diversité culturelle,
Mesdames et Messieurs, j’arrive au terme de mon propos, ne croyez pas que nous sommes esclaves de l’esclavage, non, pas du tout. Comme Frantz FANON, « Nous ne sommes pas esclaves de l’esclavage », nous accomplissons ce devoir de mémoire par respect pour les combattants de la liberté grâce à qui nous avons la liberté d’être-là aujourd’hui et pour lutter contre l’oubli.
Connaître son histoire, pour mieux préparer l’avenir. La France est la mère d’Alexandre DUMAS, le père des trois Mousquetaires, l’auteur le plus lu dans le monde ; la mère de Gaston Monnerville, ancien Président du Sénat ; la mère d’Aimé Césaire, le père de la Négritude ; de Maryse Condé, Prix Nobel alternatif de littérature. Toutes ces personnalités ne ressemblent en rien à des prêcheurs de haine et sont des adeptes de l’universalisme républicain.
Oui, Mesdames et Messieurs, Citoyens, Citoyennes, c’est à nous qu’il appartient de dire quelle société nous voulons laisser à nos enfants, quel modèle républicain fera qu’il n’y aura plus de jeunes tentés par des gestes d’intolérance dans notre France et que tous nos enfants auront envie de chanter la « Marseillaise ».
José PENTOSCROPE
Président du CIFORDOM