La journée nationale du 10 mai est une journée pour commémorer l’abolition de l’esclavage et de la traite négrière, pratiques reconnues par la France comme crimes contre l’humanité. Ces crimes ont eu lieu à partir du XVème siècle pendant près de 400 ans à l’encontre des populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes. C’est parce que ces populations ont subi des violences particulièrement odieuses et contraires à la dignité humaine que le devoir de mémoire doit permettre au plus grand nombre et aux jeunes générations d’avoir connaissance de tels événements et d’œuvrer afin qu’ils ne se reproduisent plus.

Cent soixante cinq ans (165 ans) après l’abolition de l’esclavage et de la traite négrière, qui oserait encore discuter du fait que les peuples noirs font partie intégrante de l’humanité au même titre que les autres? Que la valeur d’une personne ne saurait s’apprécier en fonction de sa couleur de peau ? Pourtant le racisme, qui consiste à croire en une pseudo-hiérarchie des races, existe encore de nos jours. Depuis les abolitions des traites et de l’esclavage, de nombreuses atteintes à la personne humaine se perpétuent (épuration ethnique, xénophobie, antisémitisme, atteinte contre les personnes albinos…) Pourtant, l’esprit humain n’a pas de difficulté à concevoir que les roses peuvent être de couleur variée et faire partie de la même espèce florale ou encore que les chevaux puissent être de couleur variée et faire partie de la même espèce animale…

Selon l’étude menée par Shankar Vedantam1, les êtres humains ont tendance à développer des idées préconçues à l’encontre des minorités parce que leur cerveau y serait prédisposé. Il suffirait qu’un fait de société qui sort de l’ordinaire soit commis par une personne issue d’une minorité pour qu’il y ait un risque d’association entre le fait commis et la population dont est issu l’auteur. C’est ainsi que se sont développées aux Etats-Unis, dans beaucoup d’esprits, l’association des noirs à la criminalité, de même depuis le 11 septembre 2001 l’association des musulmans aux actes terroristes. L’impact des évènements qui sortent de l’ordinaire est amplifié de manière inconsciente. C’est un processus mental fondamentalement irrationnel et profondément injuste. Certaines personnes sont plus aptes que d’autres à croire les calomnies et préjugés de propagandistes qui servent leurs propres intérêts. Shankar Vedantam conclut que si nos esprits n’accueillaient pas à bras ouverts de telles abjections, les mensonges n’auraient pas d’effet et s’éteindraient d’eux mêmes très rapidement.

Le racisme contre les noirs serait apparu à la suite d’un exégète grec (chrétien) du IIIe siècle après J.-C. et repris par un érudit arabe du IXe siècle. Cette fiction se diffusa dans le monde chrétien sous le nom de « mythe de Cham »2. Elle a pris de l’ampleur et a eu des conséquences désastreuses pour l’image de l’homme noir à travers le monde, se propageant de manière endémique à l’instar d’une véritable hérésie. Il ne s’agit pas d’une maladie avec des symptômes physiques mais plutôt de la propagation d’idées fausses et ravageuses pour l’esprit. Cette maladie de l’esprit induit en erreur et peut pousser à commettre des actes répréhensibles et irréparables.

Actuellement en Italie, Cecile Kyenge, première femme noire à accéder au rang de ministre, subit des insultes racistes depuis sa nomination le 27 avril dernier. Un groupuscule d’extrême droite a même tenu les propos suivants : «On ne peut pas vendre au rabais la citoyenneté italienne à des éléments étrangers à notre culture, comme on ne peut pas obliger les citoyens à applaudir un modèle de société multiraciale comme celui de la banlieue parisienne». L’injure faite à cette femme porte gravement atteinte à la dignité humaine parce qu’elle remet en cause le droit d’existence et l’égalité des chances quelle que soit la couleur de peau ; elle remet en cause la liberté de choix de son (ou sa) conjoint(e) et dénigre le métissage des enfants issus des couples mixtes ; c’est une injure faite également à la diversité de notre société française, ainsi qu’à la société congolaise et à l’ensemble du continent africain; c’est enfin une menace contre la libre circulation des personnes à travers le monde.

Face à de tels comportements racistes et discriminants, notre association fait de son cheval de bataille le « Concept de Dédiscrimination »3 qui vise à participer à la construction de nouveaux schémas mentaux afin d’atteindre un nouvel état d’esprit citoyen ouvert sur ce qui fait la source plurielle de l’universalité républicaine.


1 Auteur de The Hidden Brain: How Our Unconscious Minds Elect Presidents, Control Markets, Wage Wars, and Save Our Lives, Etats- Unis, Ed Spiegel et Grau

2 Les Traites négrières coloniales, Histoire d’un crime, page 29, Paris, Editions Cercle d’Art 2009

3 A l’occasion de ses 30 ans le CIFORDOM organise notamment un concours de textes « Un regard sur les Outre-mer » (jusqu’au 30 juin 2013) mettant l’accent sur l’altérité, le bien vivre ensemble selon deux pensées philosophiques, l’une d’Edouard Glissant « Comment s’ouvrir à l’autre, sans se perdre soi ? », et l’autre de Saint-Exupéry « si tu es différent de moi, loin de me léser, tu m’enrichis ».